Marie je l’ai rencontrée l’année dernière lors d’un atelier floral qu’elle organisait chez elle, en Provence, sur sa colline.
C’était le début de l’été. Elle avait installé des tables sous l’ombrage des arbres. Immortelles, cheveux d’ange et autres fleurs sauvages fraichement cueillies de son jardin jonchés le sol. Un hymne à la nature que Cézanne savait si bien honorer. Marie-Pacifique c’est une touche-à-tout de talent, elle a le talent de faire de son quotidien un moment de poésie.
Le jour de l’interview, l’eau ruisselle sur la colline de Marie. La nature semble s’être emparée de la maison, dans le salon notamment, les plantes vertes foisonnantes comme cette oreille d’éléphant tournée vers la lumière ou encore les couronnes de fleurs séchées donnent un air wild à la maison familiale.
Marie m’avait parlé des allergies et intolérances qui les touchaient elle et sa fille. Histoire d’un quotidien sans œufs et sans gluten.

Quelle est ton alternative à la tartine du matin toi qui es intolérante
au gluten ?
Je mélange pétales de sarrasin, flocons de pois chiche, flocons de soja, noix de coco rapée, cannelle, j’amalgame le tout avec de l’huile de coco et au four. On laisse toaster un petit moment, le temps de laisser dorer. On peut éventuellement rajouter du miel, mais je n’aime pas quand c’est trop sucré. C’est ma recette de p’tit dej sans gluten arrosées de lait de riz.
Je mélange pétales de sarrasin, flocons de pois chiche,
flocons de soja, noix de coco rapée, cannelle,
j’amalgame le tout avec de l’huile de coco et au four.
Tes enfants aiment-ils ta recette du p’tit dej ?
Non, eux ce qu’ils aiment c’est pain et nutella !
Ta cuisine a pris une orientation particulière à cause des allergies
de tes enfants ?
Bébé, mon fils a été allergique au lait de vache, pendant six mois il a bu du lait de riz auquel il s’est habitué. Ma fille aussi était allergique aux laitages et ce lait végétal est celui qu’ils ont préféré.
Pour Marin qui a 9 ans, les allergies c’est fini, il aime tous les légumes, les purées, les soupes et ma fille, elle est plus compliquée. Elle aime les protéines animales, elle a peur de tout ce qu’elle ne connait pas, la patate douce violette peut susciter le dégoût alors que l’orange de la carotte la ravit.
Ta fille est allergique aux œufs, comment t’organises-tu au quotidien ?
Je supprime les œufs des recettes de gâteaux, bon alors en général ça ressemble à un cookie géant, sans mœlleux.
Mais récemment j’ai découvert une super recette d’un fondant au chocolat, trouvé sur une tablette de chocolat avec seulement une cuillère à soupe de farine de sarrasin et pour remplacer les œufs, j’utilise des graines de lin mélangées à de l’eau, ça donne un aspect gélatineux, très ressemblant à celui d’un blanc d’œuf*.
Une poignée de graines de lin trempées dans de l’eau pendant quelques heures, je mixe au robot et j’incorpore à ma recette. Ca marche super bien, comme c’est mi-cuit ça donne un goût de céréales. Et ça fonctionne dans pleins d’autres recettes, je m’ en sers pour des fonds de tartes, ça ne marche pas pour la mousse au chocolat mais pour tout ce qui est pâte non levée ça sert de liant. J’avais découvert cette astuce sur un blog américain mais il y avait beaucoup trop d’étapes et ça a été confirmé à Jean-Baptiste (son mari) au magasin bio par la vendeuse en version facile. Il faut juste y penser à l’avance.
*Il suffit pour cela de mixer 5 g de graines de lin, puis de le mélanger à 15 ml d’eau.
Et à l’école ? Brune reste à la cantine ? Comment réagit-elle avec son allergie ?
Elle reste à la cantine mais je lui fournis son bento et elle a très bien intégrée l’idée qu’elle n’avait pas droit aux œufs. Elle peut même se servir de ça comme d’un argument de persuasion «maman je n’ai pas pu manger le gâteau d’anniversaire de L. à l’école, tu me donnes des bonbons…»
Pour un goûter d’anniversaire, comment tu t’y prends ?
Je fais un gâteau sans œufs, et j’achète des friandises. Mais il y a d’autres possibilités, les crêpes par exemple tu peux faire sans œufs sans gluten avec du lait végétal,
le résultat est très satisfaisant.
Comment s’est faite ton éducation culinaire, on cuisinait chez toi ?
Mes grands-parents vivaient à Aix depuis 1945 environ, c’est un hameau familial là où nous vivons, mes parents y ont construit une grande maison pour leurs cinq enfants. Un de mes cousins est maraîcher, il produit ici et à Venelles. Il vend sur le marché d’Aix et à Bibemus dans notre hameau, à l’entrée il laisse des légumes toute l’année, il y a une boite dans laquelle on laisse de l’argent et on prend ce qu’on veut. Et aussi de mars à octobre, il organise un marché tous les mardis soirs de 18 à 20h ouvert à la colline et à tous ceux que ça arrange le shopping nocturne, c’est très pratique quand tu travailles et que tu n’as pas eu le temps de passer au marché.
Je suis habituée à consommer local et à cuisiner à la mode de ma mère, des recettes que j’ai vu faire et que je reproduis. Je n’aime pas la cuisine trop élaborée, je cuisine méditerranéen, beaucoup de légumes, la ratatouille par exemple. Ma mère fait sa pizza, elle cuisine beaucoup les restes aussi. J’aime la cuisine parfumée. Je me sens proche de la cuisine d’Ottolenghi, les herbes aromatiques, la coriandre, la menthe, j’en mets partout.
Par rapport à la planète, te sens-tu concernée par l’impact environnemental des différents types d’alimentation ?
L’agriculture intensive est une source de pollution et elle nuit d’une manière considérable à l’environnement.
J’ai lu Faut-il manger les animaux de Jonathan Safran Foer et ça a été une vraie prise de conscience. J’ai eu une éducation écolo, ma mère a toujours acheté ses fruits et légumes au marché, on mange très peu de viande.
Vous voyagez en famille, comment gères-tu la cuisine dans
ces moments-là ?
Il y a deux ans on a fait un grand voyage en famille, on a traversé la côte ouest américaine du nord au sud du Canada jusqu’à Los Angeles. Ce qui était génial, c’est que sur la côte américaine le gluten free est très développé donc il n’y a aucune difficulté à trouver des restos et des commerces qui proposent des produits spécifiques. Sur les marchés de producteurs, on achetait des fruits secs, des noix.
Il y a un vrai intérêt pour la culture bio. En Arizona en revanche, c’était plus compliqué, il n’ y avait que des chaines de restos.
L’EVEIL DU BOUDDHA, ISWARI
C’est une préparation instantanée sans gluten pour le petit déjeuner et les petits creux durant la journée. Il est prêt en quelques minutes simplement en ajoutant de l’eau ou du lait végétal.
JERUSALEM – Yotam Ottolenghi et Sami Tamimi – Hachette Pratique
FAUT-IL MANGER LES ANIMAUX – Jonathan Safran Foer – Editions de l’Olivier
Votre prochain voyage sera une épopée en Méditerranée au volant
de votre van ? Tu as réfléchi à des solutions de cuisine itinérante ?
Je n’ai pas vraiment réfléchi encore, on vient tout juste de l’avoir et la cuisine est minuscule mais des repas du type fruits, noix et pain complet nous conviennent bien. On pourrait avoir un réchaud pour pouvoir cuisiner en extérieur des plats plus élaborés mais l’idée c’est de voyager léger.
Dix copains s’invitent chez toi à l’improviste, ça donne quoi
dans ta cuisine ?
Des pâtes à l’ail ! Autrement j’ai toujours de quoi faire un dhal de lentilles avec curry, curcuma et de lait de coco.
Et en dessert si c’est l’été, j’ai toujours des fruits congelés que je mixe pour faire des sorbets.
Comme de nombreuses familles que je rencontre, celle de Marie est fléxitarienne. Ce terme reste encore un peu méconnu. Le fléxitarien est un végétarien à mi-temps, il est flexible, il peut manger végétarien ou végétalien chez lui mais il n’exclut pas le petit gueuleton
entre amis parce que c’est un plaisir de faire plaisir. Et qu’il est difficile de renoncer au rôti
du dimanche préparé avec amour par maman. Et puis parce qu’à la maison il y a des enfants et un conjoint qui aiment la viande. On en mange avec parcimonie, on la choisit de meilleure qualité et ça ne coûte pas plus cher puisqu’on en mange moins.
Marie est la co-fondatrice d’un collectif créatif Les beaux ateliers et est l’auteur d’un blog sur les bibliothèques The archivists
photos©Lucie Cipolla